Vu les crampes de la nuit, je craignais de me réveiller avec des muscles douloureux. Mais non, et je n’ose y croire. Je suis sûr qu’elles reviendront tôt ou tard dans la journée. Toute la journée, je boirai donc comme un chameau, je ferai des élongations, je me masserai les aducteurs, j’éviterai tout mouvement brusque en me relevant et finalement convaincu qu’elles reviendront dès que je serai au B&B, je m’arrêterai dans une pharmacie où la délicieuse vendeuse me proposera le remède traditionnel : du magnésium. C’est inefficace et je le lui dit. Je veux un remède miracle sinon je ne pourrai pas poursuivre ce voyage. Tel celui qui rentre chez un marchand pour une carpette et qui ressort avec 5 tapis, je sors de la pharmacie avec deux remèdes homéopathiques, moi qui n’y crois absolument pas. La vendeuse était char-man-te. Pas du tout commerçante, s’excusant de me pousser à acheter deux produits plutôt qu’un et consultant sa patronne (une véritable athlète qui fait presque de la compétition!) pour savoir ce qu’elle pouvait me proposer. Au moment où j’achète je n’ai plus eu de crampes et mes muscles ne sont plus douloureux. A tout hasard, j’ai obéi aux recommandations et j’ai absorbé la posologie indiquée. La notice explique que comme c’est un produit naturel, il n’y a aucun effet secondaire mais évidemment qu’il pourrait y en avoir qu’on ne connait pas. Il est précisé qu’absorber toute la boîte en une fois ne causera aucun désagrément. J’avoue que l’idée m’a traversé l’esprit. Je me suis abstenu et j’ai respecté le deux jours qui ont suivi le crédo de la notice. Je n’aviis plus de crampes et n’en ai plus eu le lendemain et le surlendemain. Je n’ai plus pris les remèdes. Je n’ai pas été puni. Je n’ai toujours pas de crampes.
En quittant Balâtre, j’emprunte un très agréable Ravel mais je rate un embranchement et, à mon insu, Google Maps corrige la trajectoire et me fait prendre une autre route. Je continue à obéir à la douce voix qui m’indique les chemins à prendre. Je m’étonne quand même un peu que les routes soient de plus en plus fréquentées par les camions et les voitures et quand je me retrouve sur une route à quatre bandes avec berme centrale et que je dois rouler sur la bande des pneus crevés, je réalise que l’idiote de Google a dû se mélanger les pinceaux et je prends la première sortie 10 Km plus loin. Je pense qu’un bref moment le radio guidage a dû signaler la présence d’un cycliste égaré sur la N je ne sais plus combien. Depuis lors, je lis Michelin même si de temps à autre, je consulte encore la fille de Google avec suspicion. Revenu dans la campagne, je découvre le charme de cette Belgique proche de la France avec ses grandes étendues boisées. Je fais une halte délicieuse et je me loue d’avoir emporté avec moi un fauteuil pliable dans lequel je parviens même à faire une petite sieste, ce qui est, vu la structure de l’objet et la conformité de l’utilisateur, un réel exploit. Je m’extasie devant la ferme château de Roly et je finis par arriver sans crampes, même pas vraiment fatigué, au B&B retenu à Nismes, à côté de Couvin. Il est tenu par des flamants qui l’exploitent depuis 25 ans. C’est délicieusement désuet et décalé.