Le matin, je quitte mon logement d’Arcis-sur-Aube. Il est 9h40, trop tard, on annonce plus de 30 degrés aujourd’hui et il fait déjà fort chaud. Sur le chemin une installation de l’agroalimentaire qui montre l’industrialisation du secteur. Une grosse déception : dans l’aube, tous les bas-côtés sans exception ont été fauchés. Il n’y a plus de fleurs et le paysage n’offre plus que des nuances de vert alternant avec les tâches jaunes des champs de céréales, sans aucun charme. Tout est propret et les seules fleurs sont celles des bacs, des plantations municipales et des jardins privés. Je suspecte que ce traitement radical soit une mesure pour protéger les champs de la dissémination des semences de plantes sauvages. Je m’interroge sur les conséquences de ce choix pour tout l’écosystème. Il n’y a plus rien à butiner, plus rien pour abriter tout le monde vivant qui se cache dans les herbes hautes. Ce monde propret où la nature est parquée, encadrée est moche, moche, moche. Comble : je rentre dans le parc naturel de la Forêt d’Orient mais la nature y est traitée de la même manière. J’espère que les choses s’amélioreront en Côte d’or. J’ai hâte de quitter ce département dénaturé. Les villages changent beaucoup. Les longères à colombages se succèdent en file, perpendiculaires à la rue, façade au sud, souvent avec une vaste grange en angle droit. Les églises sont ramassées, trapues et lumineuses dans leur habit de calcaire blanc. Je pédale vite pour faire une longue pause pendant la sieste pour me cacher des heures les plus chaudes. je longe le grand lac d’Orient dont le niveau semble déjà fort bas en ce début d’été. Arrivé à Lusigny-sur -Barse, au débouché du lac d’Orient, il y a un long barrage en angle aigu avec une sculpture moderne en arc de cercle de Rimke dont le nom m’est inconnu. Sur le flanc du halage qui longe le barrage, un banc, à l’ombre, que j’investis. Un petit vent rafraichi par le grand brassage des eaux, y rend le séjour très agréable. J’y reste trois heures à rêvasser, lire et envoyer des messages. A 16h30, je me relance dans la fournaise. Le soleil tape fort, je n’ai rien pour protéger mes bras couverts de cloques de chaleur. Les derniers km sont toujours les plus longs. Je suis en nage, j’ai envie d’y être, sous la douche. Le BB se trouve à Rumilly-lès-Vaudes, un petit village avec un château très impressionnant. Le BB se trouve assez bien à l’étage chez Marie-Ange et Clovis. Clovis était le propriétaire de la scierie à côté du BB maintenant exploitée par son fils. C’est un personnage haut en couleur qui aime la tchatche. En quelques minutes je suis parvenu à lui faire dire que les politiciens sont tous des pourris et les avocats aussi. Il est cash et charmant. Il faut que je me mette à me déshabiller pour qu’il accepte de me laisser prendre ma douche. Au menu ce soir, un demi sandwiche, pomme et banane. Demain, on démarrera plus tôt pour tirer parti des heures les plus fraîches. Je n’ai plus rien réservé. Je vais au petit bonheur la chance avec un ordre de mission de la blonde qui est le sourire de ma vie : tester la tente, le matériel et le voyageur dans cet environnement. Clovis me dit que je suis fou de camper par cette chaleur. Il a raison. J’envisage sérieusement de me débiner. Après tout, je peux faire semblant. Il suffit de ne pas prendre de photo et de l’appeler au GSM à côté d’une étable. J’élabore dans ma tête des explications plus convaincantes les unes que les autres.