Ce sera une journée de transition. J’ai le projet de passer en ferry depuis Rødby Havn au Danemark vers Puttgarten sur l’île de Fehmarn en Allemagne. Ce raccourci nous permet d’éviter un long détour par le Jutland (la seule partie continentale du Danemark) et le Schleswig Holstein ce qui représenterait plus d’une semaine de trajet.
De Puttgarten, il “suffira” de longer la côte baltique vers Wismar où nous avons laissé la voiture. Mais Anne s’est plainte de douleurs dans les genoux qu’elle attribue à la longueur de l’étape de hier et elle a raison. C’était sans doute trop long mais il fallait trouver un hébergement et nous sommes tributaires de ceux que l’on trouve en dernière minute en cette saison fort touristique. Pour atteindre Rødby il faut compter environ 70 km sur le vélo route 10 qui passe par Maribo. C’est déjà pas mal. Si nous arrivons à temps nous prendrons le ferry (il y en a toutes les heures) et après une traversée de 45 minutes nous serons en Allemagne. Il n’y a aucun hébergement disponible ni à Puttegarten, ni même sur toute l’île de Fehmarn… Nous partons donc à l’aventure mais j’imagine, en ce début de journée, que nous devrons encore passer une nuit au Danemark.
Le vélo est un sport qui sollicite les jambes (du moins certains muscles des jambes) mais qui, à l’expérience, est assez doux pour les hanches et les genoux qui supportent certes l’effort mais pas le poids du corps. Nous le constatons encore aujourd’hui. Les douleurs aux genoux qu’Anne éprouvait hier et un peu ce matin, s’évanouissent après quelques tours de pédales. Vive la bicyclette! Anne passe d’ailleurs énergiquement en tête et je m’applique à la suivre. Un vent très violent et continu s’est levé et il nous accompagnera toute la journée jusqu’en Allemagne secouant même le ferry lors de la traversée.
Nous sommes partis très tôt et après une pause venteuse (au bord d’un petit lac artificiel créé par une carrière de sable qui a servi à la construction des autoroutes) nous arrivons bien en avance sur le planning à Rødby.
Il est 14h30. Nous avons déjà 78 km dans les jambes. Je propose à Anne de s’arrêter mais la ville et le port sont des endroits de passage, sans âme et déprimants. Anne veut continuer. Je lui rappelle que nous n’avons pas d’endroit où faire étape en Allemagne. “Qu’à cela ne tienne, on campera”, dit-elle. Cette perspective m’enchante. Nous embarquons donc dans un grand ferry à plusieurs étages pour une brève traversée de 45 minutes. Le vent toujours présent, fort et continu, soulève les vagues et le bateau tangue un peu.
Nous voici bientôt à Puttgarten sur l’île de Fehmarn. J’espérais secrètement que cette petite bourgade nous offrirait des possibilités d’hébergement mais nous faisons chou blanc. Toutes les zimmers (chambres) sont belegd (occupées). Avec détermination, nous reprenons donc notre route vers le village suivant. On y trouve bien un hôtel mais il n’ouvre qu’une heure et demie plus tard et personne ne répond au téléphone. Anne, décidément très en jambes, est déterminée à continuer jusqu’au prochain camping… qui est près de 15 km plus loin. Nous affrontons un vent violent et je me sens de plus en plus inquiet au fur et à mesure du temps et des km qui passent. Puis c’est ma chaîne qui déraille… Fatigués, les mains sales, et ébouriffés par ce vent incessant, nous arrivons devant un camping concentrationnaire qui doit au moins regrouper 500 tentes. Il est trop tard pour s’enfuir et d’ailleurs pour aller où? La perspective de monter une tente avec ce vent d’enfer et d’essayer de dormir dans cette tempête, n’a rien pour me réjouir. Et soudain, il me vient l’idée que nous pourrions peut-être louer un de ces chalets dont ces campings de luxe sont désormais équipés. Miracle, oui, ils ont un chalet disponible ! L’affaire est faite et, de manière totalement inattendue, nous atterrissons dans un endroit de charme si l’on veut bien faire abstraction de l’environnement de toiles et de caravanes. Une construction tout en bois avec un studio à l’intérieur (kitchenette, évier et WC au rez, living et chambre en mezzanine), terrasse au premier et balcon au rez, donnant sur la Baltique. Le tout avec internet, télévision et un petit magasin à proximité. Nous n’aurons pas beaucoup l’occasion de profiter des lieux. Le vent est tellement fort que l’on tient à peine debout à l’extérieur. La Baltique est tourmentueuse. Nous ne l’avons jamais vue aussi agitée. On se calfeutre à l’intérieur, pour manger nos pâtes au pesto et nous passons une longue et bonne nuit, protégés du vent par les parois de bois.
Cela a l’air très bucolique mais quand on voit l’environnement immédiat, ce l’est évidemment un peu moins…