Initialement, notre planning prévoyait de longer la côte depuis le port de Trellenborg vers Malmö, mais le routard renseignait la ville d’Ystad comme une adorable petite ville médiévale parmi les plus anciennes et les mieux conservées de Suède. Anne a confiance dans le Routard, comme une nonne dans l’évangile. Moi, je suis plus Guide Vert mais je dois reconnaître que pour l’Allemagne du nord, le guide vert était très décevant. Avant, nous faisions des heures de marche d’approche pour aller dans le petit resto typique recommandé par le Routard pour nous y retrouver entourés de touristes français avec le guide sous le bras. Nous avons évolué et si je ne suis plus un intégriste du Guide Vert, Anne a émis quelques critiques sur le sacro-saint Routard. Bref, tout passe. Quand même, j’ai senti que pour Ystat, il ne fallait pas trop discuter devant les commentaires dithyrambiques du Routard. C’est un détour mais nous n’en sommes plus à quelques km près, nous qui en avons déjà fait près de 500 depuis une semaine.
Nous partons de bon matin, sur les chemins, à bicyclette. La campagne est belle. Les champs de blé ne sont pas encore fauchés. De nombreuses fleurs sauvages bordent notre route mais Ystat est plus loin que prévu. Au total le détour est de plus de 30 km aller. Qu’à cela ne tienne, cela vaut la peine selon saint Routard. Et cela valait la peine en effet !
Nous y passons un bon moment mais il nous faut reprendre notre route et d’abord trouver un logement. Nous ne trouvons rien à un prix raisonnable si ce n’est une chambre à Skanör qui est à 70 km (à la louche) de l’endroit où nous trouvons. Nous en avons déjà fait 30. Cela n’effraie pas ma blonde décidément extrêmement courageuse à vélo. En route donc. Nous repassons par Trellenborg et son allée de palmiers qui paraissent très insolites dans ce coin du nord. Il est vrai que nous avons retrouvé le soleil et des températures plus clémentes qu’en Allemagne, 22/23 degrés; « le temps idéal pour faire du vélo » me dit Anne. Son enthousiasme me ravit mais je suis quand même un peu inquiet qu’en fin de course, cette belle humeur ne se transforme en amertume sous l’effet de la fatigue.
Skanör est située à la pointe Sud Ouest de la Suède. Effectivement, le chemin, l’eurovelo 10, est interminable. A tout moment, je m’attends à ce que Anne déclare forfait. Pour motiver la troupe, je propose une petite halte pour prendre une glace quand on trouvera un coin sympa. Nous arrivons à l’hôtel à 18 heures passées. Le seul reproche que j’entendrai est qu’il n’y a finalement pas eu de glace. Nous avons roulé près de 120 km. Anne souhaite rester sur son lit et ne plus bouger. Je parviens à la convaincre de descendre au bistrot de l’hôtel où on peut aussi avoir une assiette de crudités. Cela nous fait rencontrer la cheffe cuissot qui se trouve être également la cheffe jardinier (et nous avons sous les yeux un très beau jardin). Elle nous fait découvrir toutes sortes de préparations avec des légumes du jardin et des fromages locaux. Elle nous parle de Bruxelles et des bières belges. « Quand on sait respecter la bière au point d’inventer un verre pour chacune d’entre elle, on doit aussi savoir respecter les gens », dit elle. Nous ne pouvons qu’acquiescer. Elle nous présente des assiettes composées pour être A taste of the traditional swedish cooking. Elle nous offre l’indispensable aquavit qui accompagne la bière et les harengs marinés. Une très grande expérience gastronomique. A la fin du repas, Anne a les yeux dans le vide. Elle se hisse jusqu’à la chambre et s’écroule sur son lit. Jusque là, je me suis efforcé de sauver les apparences. Maintenant, je puis me laisser choir à mon tour.